Aller au contenu principal
  • État de l'internet

L’écart entre nous : Perspectives pour bâtir un meilleur Canada en ligne

Introduction Au début de l’année 2018, l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI) a entamé la cinquième campagne du Programme d’investissement communautaire, qui verse un million de dollars en subventions par année à des organismes sans but lucratif, des organisations caritatives et des institutions académiques qui améliorent l’Internet et…

Introduction

Au début de l’année 2018, l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI) a entamé la cinquième campagne du Programme d’investissement communautaire, qui verse un million de dollars en subventions par année à des organismes sans but lucratif, des organisations caritatives et des institutions académiques qui améliorent l’Internet et font de belles choses par son entremise.

Appuyer des groupes qui connectent les Canadiens avec les services de santé, l’éducation, les possibilités d’emploi et même les uns les autres est une tâche importante en soi. Mais ce qui l’est encore plus, ce sont les effets positifs de ces programmes, que ce soit d’enseigner le codage à la prochaine génération de travailleurs ; d’équiper les entrepreneurs dans les régions rurales ; ou encore, d’améliorer les possibilités éducatives dans le nord et les régions éloignées. Il est primordial d’assurer que tous les Canadiens, peu importe leur âge, leur revenu ou leur lieu de résidence peuvent devenir des citoyens numériques. Ce faisant, non seulement les Canadiens bénéficieront-ils de tout ce que l’Internet peut offrir, mais tous pourront contribuer à l’avenir numérique du Canada.

Selon l’index du développement des TI de l’Union internationale des communications, le Canada se classe derrière tous sauf un des autres membres du G7. Un piètre classement pour un pays qui se situait historiquement au premier plan des développements reliés à Internet. Reprendre cette place représente une problématique complexe, mais certes, une partie de la solution inclut mieux comprendre nos défis et opportunités, et s’assurer que tous nos citoyens, d’un océan à l’autre, peuvent être des participants actifs et complets de notre économie numérique.

Dans cette perspective, et compte tenu de cette année charnière pour notre programme, l’ACEI a communiqué avec de nombreux bénéficiaires de ses subventions et avec d’autres intervenants des secteurs de l’Internet et de la littératie numérique, afin de les inviter à discuter de l’Internet au Canada. L’ACEI voulait connaître et partager leurs expériences — bonnes comme mauvaises. Les participants sont principalement des organismes communautaires, y compris les organisations sans but lucratif qui offrent des cours de littératie numérique, des universitaires qui font des recherches sur l’expérience canadienne an ligne et les petits fournisseurs d’accès Internet (FAI) qui travaillent en milieu rural et éloigné.

Ce rapport mettra leurs voix en valeur et générera une discussion sur les défis et les occasions dans les domaines de l’infrastructure Internet, l’accès au Web, la littératie numérique et le financement. Le rapport est un résumé de leurs expériences et opinions. En tant qu’organisation qui finance des projets Internet, nous sommes à l’écoute. Nous espérons que d’autres intervenants le sont aussi.

La majorité des personnes à qui nous avons parlé dans le cadre de ce rapport travaillent dans organismes sans but lucratif et 60 % d’entre elles travaillent dans des organisations de 25 personnes et moins. Ces organisations sont résolues à améliorer l’accès Internet, mettre en place la connectivité liée au « premier kilomètre » et aider les Canadiens, particulièrement ceux faisant partie des groupes marginalisés, à parfaire leurs habiletés de littératie numérique. Ces organisations ont aussi des possibilités de financement limitées. Leurs défis sont réels et les idées qu’elles veulent partager sont vastes.

Les autres bailleurs de fonds, décideurs politiques et intervenants du domaine de l’Internet devraient lire ce rapport et réfléchir sur ce que ces organismes communautaires, qui travaillent sur le terrain, ont à dire. Ce sont des points de vue qui leur sont propres, bien sûr, mais qui doivent être entendus.

Sommaire

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déclaré que l’Internet à large bande était un service de base, ce qui ouvre la voie à l’accès universel à une connexion Internet à large bande. Comme l’Internet est omniprésent dans la vie de nombreux Canadiens — au travail, dans les loisirs, dans leurs cercles sociaux et pour accéder à de nombreux services gouvernementaux — l’ACEI a consulté des experts en infrastructure Internet, en accès et en littératie numérique de partout au Canada. Par l’entremise d’une étude principalement qualitative et des entrevues de suivi avec certains participants, les résultats mettent en lumière de nombreux défis à travers le pays.

Ces défis comprennent une absence d’infrastructure dans les régions rurales et éloignées, un manque d’accès et de littératie numérique dans les groupes marginalisés, une incompréhension de la sécurité et des risques pour les renseignements personnels et des obstacles au financement pour répondre à ces besoins. Une frustration a aussi été exprimée par rapport au nombre restreint d’intervenants qui détiennent le pouvoir d’aborder ces problèmes et qui reçoivent la plus grande partie du financement.

Une des principales préoccupations est le fossé grandissant entre « les nantis » et les « moins nantis », qui fait que certains groupes, comme les personnes âgées et les nouveaux arrivants, les communautés autochtones, les populations des régions rurales et éloignées, et les personnes à faible revenu dans les centres urbains, accusent un retard de plus en plus grand.

Number of employees in surveyed organizations

Work sector of surveyed organizations

Ce que nous avons retenu

L’Infrastructure

  • Le manque de compétitivité et de financement a une incidence sur l’expansion de l’infrastructure. Lorsque l’infrastructure est en place, des écarts de qualité sont souvent constatés, particulièrement dans les collectivités rurales et éloignées.

  • Les forces du marché contrôlent les investissements dans l’infrastructure.

  • Les collectivités éloignées et les petits FAI font souvent les frais de la connectivité du premier kilomètre, et un accès ouvert et abordable n’est pas souvent offert.

Accès

  • L’accès Internet à domicile offre une meilleure expérience en ligne qu’un accès obtenu dans un endroit public.

  • Pour certaines familles à faible revenu, même les options d’accès Internet les moins chères sont souvent inaccessibles et la qualité, la vitesse et la taille des forfaits de données sont insuffisantes.

  • Il existe des inégalités pour l’accès Internet en campagne comme à la ville.

Littératie numérique

  • Les personnes âgées, les nouveaux Canadiens, les peuples autochtones et d’autres citoyens sont laissés de côté dans l’ère numérique, ce qui les isole et rend leur accès à des occasions et des services en ligne plus difficile.

  • L’apprentissage des éléments fondamentaux de l’utilisation d’Internet est un écart existant, mais peu d’attention et de financement lui sont accordés.

  • Le manque de littératie numérique au Canada augmente la vulnérabilité aux cybermenaces comme les logiciels malveillants, l’hameçonnage et l’influence des « fausses nouvelles ».

Financement

  • Les paramètres de financement pour les projets Internet sont souvent complexes ou trop précis, et le processus de demande peut être contraignant.

  • La concurrence est féroce pour un montant limité de financement et les enjeux numériques à la mode obtiennent plus d’attention et de financement que les autres.

  • Un manque de constance dans le financement et les délais limités pour l’utiliser ont une incidence sur l’efficacité des projets.

Solutions recommandées

  1. Financement de la littératie numérique de base.

  2. Intégration d’une formation de base sur la cybersécurité et la protection des renseignements personnels dans des occasions d’apprentissage préexistantes, particulièrement pour les populations marginalisées.

  3. Croissance des points d’échange Internet (PEI) au Canada et de l’appairage.

  4. Donner priorité au premier kilomètre de la connectivité et encourager les collectivités à prendre les devants et à innover localement.

  5. Élaboration d’un programme national d’abordabilité qui tient compte des tarifs et de la qualité. La qualité offerte devrait être la même pour tous les fournisseurs d’accès Internet.

  6. Développer des habiletés de pensée critique et des compétences en matière de résolution de problèmes chez les jeunes.

  7. Donner les moyens nécessaires aux professeurs.

  8. Passer en revue les modèles de financement, particulièrement en mettant l’accent sur le soutien apporté aux petits organismes communautaires.

  9. Apporter un soutien non financier aux organismes communautaires.

  10. Trouver des façons d’uniformiser les pratiques exemplaires partout au pays.

Conclusions détaillées

L’Infrastructure

Un des plus grands défis de la connectivité au Canada est la taille du pays et le besoin de connecter des collectivités éloignées, rurales et nordiques. Les collectivités isolées ne sont pas les seules à être touchées par des problèmes d’infrastructure Internet; les zones urbaines ont leur lot de défis, particulièrement chez les communautés à faible revenu.

La plupart des organisations qui ont participé au sondage de l’ACEI ont l’impression que leurs collectivité, région ou province ont des besoins urgents de nouvelles infrastructures. Le manque de financement et le manque de concurrence sont des préoccupations importantes et les répondants sont d’accord pour affirmer que l’infrastructure Internet au Canada doit être grandement améliorée.

Près de 70 % des répondants s’entendent pour dire que le Canada est trop dépendant de l’infrastructure Internet des États-Unis. Cette affirmation est conforme à la recherche effectuée par l’ACEI en mars 2018, dans laquelle près de 70 % des Canadiens exprimaient des préoccupations par rapport à la sécurité de leurs renseignements personnels et de leurs données qui sont stockées ou qui transigent dans des serveurs qui se trouvent aux États-Unis.

Certaines données canadiennes, qui sont envoyées d’un habitant canadien à un autre, y compris le gouvernement du Canada, passent par l’infrastructure américaine. L’appairage aux points d’échange Internet canadiens est une excellente façon de garder les données au Canada et de conserver la confidentialité des données de la population canadienne.

L’infrastructure elle-même n’est pas le seul problème. Le manque de propriété relative au contenu a aussi une incidence sur l’Internet au Canada.

Le Canada n’a pas son propre Internet. Nous avons la canalisation pour les données qui permettent de connecter les gens, mais nous n’avons pas notre propre Google. Nous n’avons pas nos propres systèmes de courriel. Nous n’avons pas de YouTube pour les vidéos. Nous n’avons pas l’infrastructure au Canada qui correspond à la compréhension du grand public de ce qu’est l’“Internet”. Un développement plus important de notre propre Internet est nécessaire afin que nous n’ayons pas à nous fier aux États-Unis, au Royaume- Uni ou à d’autres pays qui ont leurs propres technologies Internet, affirme Jeff Klause, président-directeur général de Voyageur Internet au Manitoba.

M. Klause poursuit en reconnaissant que l’infrastructure physique au Canada est en voie d’amélioration. En ce qui a trait à l’infrastructure Internet, nous nous en tirons assez bien en tant que pays. Il y a beaucoup d’incompréhension sur ce qui est nécessaire pour améliorer l’infrastructure. Notre pays est très grand et ses habitants sont éparpillés. Nous sommes toujours à la recherche d’une meilleure connexion et d’une vitesse plus grande pour les utilisateurs. Nous atteindrons ces objectifs éventuellement. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Cela nous prendra environ une douzaine d’années pour avoir une structure Internet avancée au Canada, mais nous y arriverons.

La taille de notre pays représente un défi, de même que son climat, car la fenêtre la plus abordable pour la construction d’infrastructure est de seulement quelques mois par année — particulièrement dans le Grand Nord.

Nous constatons des améliorations, mais le processus est lent. Un autre accès ouvert pour le Mackenzie Valley Fibre Link (un projet entrepris par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest) sera bénéfique pour certaines collectivités nordiques. Nous avons besoin d’un meilleur financement et de plus de temps pour que cette question soit réglée, affirme Rob McMahon, professeur adjoint en communications et en technologie à l’Université de l’Alberta.

Le manque de concurrence est aussi un problème pour les collectivités éloignées ou nordiques. Une certaine compétition est présente pour la connexion par satellite, mais dans certaines collectivités, il n’y a pas vraiment de choix, indique M. McMahon, qui est aussi cofondateur du First Mile Connectivity Consortium, un groupe de défense d’intérêt qui veut connecter les communautés des Premières Nations qui vivent en région éloignée et rurale.

Ce n’est pas seulement une question de connectivité; c’est une question de qualité. Grâce au programme Branchés sur les Canadiens — une initiative gouvernementale visant à fournir des services d’Internet haute vitesse au plus grand nombre de ménages canadiens possible —, presque tous les foyers de la moitié inférieure du Manitoba ont maintenant un accès Internet. Par contre, la qualité fait partie d’une autre discussion, affirme Evan Schroeder, directeur de l’exploitation de Swift High Speed, un fournisseur local qui offre des services Internet aux collectivités rurales et éloignées du Manitoba.

 

Quelques sociétés affirment couvrir le Canada, mais la qualité n’est pas au rendezvous. Elle n’est pas conforme à ce qui est annoncé — la promesse d’une connexion de 10 mégabits par seconde et une vitesse de deux mégabits, dit M. Schroeder. Il affirme aussi qu’il y a un important obstacle à notre capacité de transfert sans fil des données aux clients qui habitent en campagne, car les prix sont exorbitants, avec des coûts fibre optique de 15 000 $ à 20 000 $ le kilomètre. Sa plus grande préoccupation est l’infrastructure privatisée des grands FAI du Canada,que nous n’avons pas le droit d’utiliser.

Les forces du marché et les investissements dans internet

Plusieurs répondants ont abordé la dépendance du Canada sur les trois principaux fournisseurs de services de télécommunications qui utilisent les forces du marché comme incitation à l’investissement. Les répondants croient que le Canada s’appuie trop fortement sur ces fournisseurs de services de télécommunications pour de nouveaux investissements en infrastructure, plutôt que de trouver des solutions de remplacement. Un répondant anonyme a affirmé que ce manque de choix et de concurrence donne un des réseaux Internet les plus chers au monde. Un autre répondant a noté que l’accès à l’Internet haute vitesse ne devrait pas dépendre du nombre d’utilisateurs ou des profits qui peuvent être générés.

Jeff Klause, président-directeur général de Voyageur Internet au Manitoba, a noté un manque d’accès libre et de taux abordables pour soutenir les fournisseurs indépendants et augmenter la concurrence. Il n’y a pas assez de concurrence basée sur les installations pour réguler les prix. Il a ajouté que la dépendance à l’industrie des télécommunications pour régler les problèmes de connexion avec les fonds publics plutôt que le soutien du développement local représente un problème.

L’aspect économique de l’investissement en infrastructure peut ne pas être suffisant dans une collectivité rurale ou éloignée pour que les grands FAI investissent pour connecter cette communauté à l’Internet. La collectivité compte alors sur un plus petit FAI qui pourrait ne pas avoir le financement (ou l’approbation de financement) pour accéder à des tours de télécommunications pour le premier kilomètre de connectivité. Comme l’indique un des répondants : La structure de fibre s’améliore, mais nous avons besoin de tours plus accessibles et abordables, et de plus de liberté pour utiliser les courbes spectrales.

Les collectivités éloignées représentent un défi en raison des coûts de mise en place de l’infrastructure qui sont liés à la densité de la population des régions rurales et éloignées. Les FAI ne peuvent pas faire l’analyse de rentabilisation sans un accès Internet à prix élevé afin de couvrir leur investissement

Glen beer, vice-président d’exchange global server centre, un centre de données sécurisé qui offre aux clients des services d’hébergement et de technologie.

Il ajoute que le financement est disponible pour les fournisseurs d’accès Internet qui construisent des infrastructures dans les collectivités, mais l’importance des installations pouvant se connecter entre elles qui permettent à ces FAI d’accéder à une connectivité à prix abordable n’est pas reconnue.

Les organismes en zone urbaine en ressentent aussi les effets. Le Vancouver Community Network (VCN) est un FAI sans but lucratif qui offre des services gratuitement afin d’aider les gens, les groupes communautaires et les organismes sans but lucratif à accéder à tout ce propose Internet et à l’utiliser. Tracey Axelsson, directrice générale de VCN, croit que l’avenir de son organisation comme FAI est incertain parce que nous ne jouons pas selon les mêmes règles que les très grandes entreprises, affirme-t-elle. À Vancouver, Telus affirme que le réseau complet sera en fibre au cours des deux prochaines années. Même si nous avions investi dans un système plus efficace, plus rapide et moins coûteux, nous ne serions pas capables de nous mesurer à cette infrastructure. C’est une course sans fin pour se positionner au-devant de la technologie, mais le financement nous empêche de le faire. Si le financement n’était pas un problème, Mme Axelsson a indiqué que son projet de rêve comprendrait un réseau sans fil libre et gratuit au quartier Downtown Eastside de Vancouver.

Accès numérique

L’absence d’infrastructure — ou le coût prohibitif d’une infrastructure — mène habituellement à l’absence d’accès numérique. La plupart des répondants ont l’impression que l’accès est limité dans leur collectivité ou province, surtout dans les communautés rurales et éloignées et le Grand Nord. Ils ont aussi l’impression que l’accès est inadéquat pour les populations désavantagées, comme les personnes à faible revenu, les peuples autochtones, les nouveaux Canadiens, les personnes handicapées et les prisonniers, ce qui crée une société à deux paliers. La plupart des répondants s’entendent sur le fait qu’un accès Internet à domicile n’est plus vraiment un luxe, mais plutôt essentiel pour participer à la société.

 

Même lorsque l’infrastructure est en place, il existe des obstacles à l’accès. Dans certaines régions rurales, nous ne pouvons pas offrir de service, ou nous offrons un service minimal, affirme Shelley Robinson, directrice administrative de Libertel de la Capitale nationale, un FAI sans but lucratif d’Ottawa. Certaines personnes accepteront de payer pour un service de 1,5 mégabit, car ils n’ont pas d’autres recours.

L’abordabilité représente un autre problème. Les répondants au sondage ont parlé du besoin d’un programme national d’abordabilité qui pourrait être offert par tous les FAI et qui tient compte des coûts et de la qualité.

Même si l’organisation de Mme Robinson offre un taux spécial pour les locataires de logement communautaire, lorsque les frais et les taxes s’ajoutent au taux de 24 $ par mois, c’est un montant trop élevé pour nombre d’entre eux : Ils ne peuvent pas se le permettre.

Certaines personnes à faible revenu tentent d’économiser sur la nourriture afin de pouvoir se payer des téléphones et un accès Internet à domicile, affirme Mme Robinson. On a l’impression que tout le monde a un accès Internet, mais ce n’est pas du tout le cas. Le gouvernement commence la numérisation de ses services, ce qui les rend plus coûteux pour certaines personnes.

Les programmes ciblés comme ceux destinés aux familles et aux locataires de logements communautaires sont très bien, mais nous devons nous assurer que tout le monde a un accès abordable.

De plus, lorsqu’on aborde les communautés d’intérêts, de nombreuses personnes trouvent leur place en participant à des forums en ligne, comme les membres de la communauté trans. Ces personnes ne devraient pas avoir à choisir entre se nourrir et communiquer avec une communauté. Selon elle, ces situations élargissent le fossé numérique.

Les personnes âgées représentent une grande partie de la population qui est laissée de côté. Malheureusement, nous constatons que de nombreuses personnes sont laissées de côté parce qu’elles n’ont pas accès à la technologie ou qu’elles habitent dans une résidence où se trouvent deux vieux ordinateurs. Les points d’accès avec une aide guidée, constante et éprouvée sont nécessaires, dit Linda Fawcus, fondatrice et présidentedirectrice générale de Gluu Technology Society in Vancouver. Ce n’est pas suffisant de distribuer des iPads. De nombreuses bibliothèques et centres communautaires offrent des ordinateurs et un accès Internet, mais certaines personnes âgées ont des problèmes de mobilité.

Pour un meilleur service offert aux collectivités rurales et éloignées, Brian Beaton, ancien coordinateur des programmes pour K-Net, affirme ce qui suit : Les programmes, politiques et services existants sont créés, mis en place et offerts dans les centres urbains et leurs organisations. Trop souvent, on s’attend à ce que ces mêmes programmes, politiques et services puissent être transférés dans les collectivités éloignées et rurales sans établir de plan opérationnel pour un fonctionnement efficace. Il est important d’inclure des représentants de ces différents environnements dans tous les aspects du développement et de la mise en place de tout programme, politique ou service qui a une incidence sur ces régions. K-Net est un fournisseur de services des TIC qui est la propriété de membres des Premières Nations et qui offre ses services aux communautés rurales et éloignées en Ontario et ailleurs au Canada.

Manque d’accès dans les communautés urbaines

Tracey Axelsson, directrice générale du Vancouver Community Network, dit : En tant qu’organisme sans but lucratif, on a l’impression qu’il faut toujours justifier nos interventions dans les centres urbains. Le soutien apporté là où se trouve la plus importante proportion de gens démunis — les gens très pauvres ne vivent pas dans les petites villes — passe souvent pour une fabulation. Il n’y a aucun financement destiné aux villes.

Les étudiants des centres urbains sont aussi touchés.

Le problème touche les régions rurales, bien sûr, mais aussi les centres-villes de Toronto et Montréal. Kate Arthur, fondatrice et directrice, Kids code jeunesse

À Montréal, son organisme travaille sur un projet à l’échelle de la ville dans 150 écoles et bibliothèques, visant à améliorer et stabiliser l’Internet sans fil. Certains obstacles à l’accès sont techniques, certains sont humains, certains sont liés à la bureaucratie.

Comme tous les étudiants n’ont pas le même accès à la technologie, l’organisme donne des occasions de croissance des compétences en matière de pensée critique et de résolution de problèmes. La technologie n’est pas nécessaire pour développer ces habiletés, indique Mme Arthur. Kids Code Jeunesse offre des activités débranchées aux professeurs et aux élèves pour mettre en valeur la pensée critique, la communication et la collaboration. Ces activités permettent de faire le lien entre la pensée computationnelle et le codage. De cette façon, ils peuvent réfléchir même si l’équipement n’est pas disponible.

L’obtention de permis et l’installation de logiciels sur les ordinateurs des écoles ont toujours été difficiles. Comme plusieurs de ces outils sont maintenant offerts sur le Web, l’accès est plus facile, dit Andy Forest, principal artisan de STEAMLabs à Toronto, un laboratoire ouvert communautaire où tous peuvent se rassembler et pratiquer la fabrication numérique et le codage et s’initier à l’électronique.

Les répondants sont inquiets de la perception selon laquelle l’expérience de l’Internet est la même pour tout le monde — que les outils et la capacité de les utiliser sont les mêmes pour tous. L’inégalité relative à l’accès et à la littératie numérique existe. Plus les services des gouvernements provinciaux et fédéral vont migrer vers le Web, plus les écarts économiques et pédagogiques se creuseront, ce qui mettra de la pression sur les systèmes de soutien social.

Legalittératie numérique

L’accès numérique ne mène pas nécessairement à l’adoption de la technologie. Un meilleur accès n’est pas la même chose que les outils et les ressources visant à améliorer la littératie numérique et la sécurité des utilisateurs. La littératie numérique n’est pas seulement l’apprentissage du code; dans de nombreux cas, il s’agit d’apprendre les aspects fondamentaux de l’utilisation de l’Internet.

En ce qui a trait aux besoins les plus urgents relatifs à la littératie numérique au Canada, les répondants ont indiqué la compréhension de la sécurité numérique personnelle comme première préoccupation, suivie de la capacité de naviguer sur Internet et de reconnaître une source en ligne crédible. Le groupe qui présente les besoins les plus criants est celui des personnes âgées, suivi des citoyens à faible revenu, des jeunes et des peuples autochtones.

Le groupe auquel nous voulons apporter notre soutien est celui des professeurs. Je crois qu’il est largement reconnu que la littératie numérique est importante, mais les professeurs ne se sentent pas soutenus, indique Andy Forest, artisan de STEAMLabs.

Toutes les commissions scolaires connaissent les objectifs à atteindre, mais je crois que le soutien aux professeurs est l’élément le plus important aujourd’hui. Ils doivent être confiants afin de transmettre les aptitudes et la créativité numérique à leurs élèves.

Andy Forest, artisan de steamlabs

Qui est laissé de côté?

L’accès et la littératie numérique manquent malheureusement à plusieurs personnes âgées. De nombreuses personnes nées avant 1960 ne comprennent pas les éléments de base et n’ont pas de moyens faciles d’obtenir cette information, indique Linda Fawcus, fondatrice et présidente-directrice générale de Gluu Technology Society. Elles se sentent délaissées, avec raison. Elles n’ont pas l’impression de prendre part à l’évolution technologique.

Même si certaines bibliothèques offrent des cours sur l’utilisation de l’Internet, les formations ne s’adressent pas nécessairement à des personnes âgées. Des personnes âgées sont en mesure de se connecter à leurs familles, leurs communautés et leurs médecins; celles qui ne le peuvent pas sont laissées de côté, indique Mme Fawcus.

Nous croyons que l’isolement social ne concerne que les gens qui n’ont pas de contacts physiques avec les autres. Bientôt, la définition inclura les personnes incapables de communiquer en ligne.

Linda Fawcus, fondatrice et présidente-directrice générale, gluu technology society

Les programmes de Gluu aident les personnes âgées à améliorer leur littératie numérique. Mme Fawcus donne l’exemple d’une cliente de 94 ans, propriétaire de deux chats; elle prenait sa voiture seulement pour aller acheter un sac de 15 kilos de litière pour chat. Après avoir appris des compétences de base en la littératie numérique, elle a été en mesure de s’inscrire à Amazon Prime et de faire livrer la litière à son domicile. Cela lui a permis d’entrevoir un avenir dans lequel elle n’avait plus besoin de voiture », dit-elle. « Elle n’a eu qu’à utiliser l’Internet pour obtenir ce service.

Les femmes autochtones sont aussi laissées pour compte. Les femmes autochtones sont les plus touchées par le fossé numérique. Leur groupe est celui qui a le moins accès aux services, indique Zeina Osman, codirectrice exécutive de Compucorps, un organisme de bienfaisance de haute technologie qui aide les personnes démunies à obtenir un accès à des ordinateurs à bas prix, à des services technologiques et à une formation technique.

Nous ne voulons pas que tous deviennent des experts en codage, mais nous voulons leur fournir les connaissances nécessaires pour qu’ils se sentent à l’aise et en sécurité en ligne.

Zeina Osman, codirectrice exécutive, compucorps

Les membres de l’organisme ont eu l’idée d’un project financé par le Programme d’investissement communautaire de l’ACEI, pour lequel 100 femmes autochtones pourraient suivre des cours pour apprendre la base de l’informatique. Le défi pour ces femmes était de consacrer cinq à six heures par semaine à des cours au centre. Une autre idée est donc venue aux membres de l’organisme : des ateliers en lien avec les intérêts de groupes communautaires et des journées pendant lesquelles les étudiantes peuvent se présenter pour des séances personnalisées dans le laboratoire informatique. Le projet a fonctionné au-delà de nos espérances, affirme Mme Osman. Nous avons constaté une augmentation de la participation.

Les nouveaux Canadiens représentent aussi un groupe important. Lorsque nous abordons la littératie numérique, les femmes immigrantes sont marginalisées, car lorsqu’elles arrivent ici, elles sont généralement dépendantes de leurs maris ou de leurs familles. Selon nos recherches,l’Internet peut les aider à acquérir de l’autonomie, dit Christian Agbobli, directeur du Département de communication sociale et publique à l’Université du Québec à Montréal.

À leur arrivée, les nouveaux Canadiens peuvent être compétents dans leurs champs d’expertise, mais cela ne signifie pas qu’ils maîtrisent l’aspect numérique de cette expertise, dit-il. La façon d’utiliser la technologie dans leur pays d’origine n’est peut-être pas le même qu’ici. Il croit que des ressources supplémentaires sont nécessaires pour aider les nouveaux Canadiens, particulièrement par rapport à la sécurité et la protection des renseignements personnels en ligne.

 

Protection des renseignements personnels et sécurité

Les personnes qui manquent de littératie numérique sont plus susceptibles d’être victimes de logiciels malveillants, de fraude en ligne et d’attaques au moyen de l’ingénierie sociale, comme l’hameçonnage. Le manque de littératie et les attaques affaiblissent la sécurité et la protection des renseignements personnels. Lorsqu’on leur demande si le Canadien moyen comprend les menaces actuelles à la cybersécurité, 75 % des répondants sont en désaccord.

Notre organisation reçoit beaucoup de questions sur l’hameçonnage, car les gens ne savent pas reconnaître un courriel légitime d’une tentative de fraude, et ne sont pas certains de savoir quoi faire, affirme Ryan Fukunaga de Free Geek à Toronto. Les gens doivent être au courant de la courbe d’apprentissage à l’égard de ces situations. À quoi ressemble un courriel légitime? Qu’est-ce qui constitue une tentative de fraude? Free Geek Toronto est une entreprise sociale à but non lucratif qui fournit des ordinateurs remis à neuf et autres appareils abordables, des formations de littératie numérique et un accès à un laboratoire informatique pour les personnes qui n’ont pas accès à un appareil ou à l’Internet.

Outre la cybersécurité, les répondants ont exprimé leurs préoccupations par rapport au climat politique actuel, dans lequel les fausses nouvelles et la propagande peuvent être dangereuses. Une pensée critique de base et la vérification des faits sont plus importantes que jamais. Selon un répondant, l’authentification de l’information en ligne est vitale pour une démocratie, et l’apprentissage de l’éthique est très important pour la jeunesse. La compréhension des droits de la protection des renseignements personnels et des dangers qui guettent l’information personnelle en ligne est aussi une habileté importante pour demeurer en sécurité, selon les répondants.

Les citoyens utilisent l’Internet pour améliorer leurs vies, mais ils doivent aussi être en mesure d’évaluer et de filtrer ce qu’ils lisent, ce qui les protège des fraudes et leur permet de faire des choix en fonction de renseignements fiables, affirme Shelley Robinson, directrice générale de Libertel de la Capitale nationale à Ottawa. C’est important pour eux et pour la démocratie. La population doit comprendre les répercussions de l’échange de leurs renseignements personnels pour des services gratuits et la façon de protéger leurs vie privées en utilisant l’Internet.

Les consommateurs ne sont pas nécessairement au courant que leur présence en ligne peut être influencée sans qu’ils s’en aperçoivent, ni de l’impact du partage de renseignements personnels. Nous remarquons que les consommateurs de contenu numérique n’ont pas pleine conscience de ce qu’ils acceptent lorsqu’ils approuvent les conditions de service ou les politiques en matière de confidentialité

Jules Bélanger, d’option consommateurs, montréal

Les cyberattaques sont de plus en plus sophistiquées et les consommateurs pourraient ne pas s’apercevoir que leur appareil en ligne est infecté, dit-il. Par exemple, des appareils branchés à Internet à domicile (comme des imprimantes et des caméras de surveillance) peuvent être utilisés pour des cyberattaques et être contrôlés à distance. Les jeunes Canadiens sont généralement plus informés sur la technologie, mais ne sont pas au courant de tous les risques. Paradoxalement, les gens plus âgés comprennent mieux les risques, mais n’ont pas les connaissances informatiques nécessaires. Par l’entremise d’une subvention du Programme d’investissement communautaire de l’ACEI, Option consommateurs a récemment lancé des ressources pour aider les Canadiens à mieux comprendre les risques de sécurité et la protection des renseignements personnels en lien avec les appareils de l’Internet des objets.

Même si plusieurs ressources sont fournies par les gouvernements provinciaux et fédéral et par des organismes civils, les consommateurs ne connaissent pas nécessairement leur existence, d’où l’importance de l’éducation. De plus, certaines ressources nécessitent certaines connaissances que le Canadien moyen ne possède pas, comme l’installation d’un module externe de sécurité dans un navigateur Internet ou la mise à jour du microgiciel d’un objet branché — des enjeux qui sont liés à la littératie numérique.

La majorité des répondants étaient en désaccord ou fortement en désaccord que, par rapport à la cybersécurité, la plupart des Canadiens sont assez informés pour se protéger.
Voici les réponses au sondage.
  • 4.88% affirment que la plupart des canadiens prennent les mesures appropriées pour se protéger des menaces de cybersécurité

  • 28% comprennent que les menaces à la cybersécurité personnelle comme l’hameçonnage et les logiciels maleveillants sont considérés comme la priorité

  • 19% comprennent comment protéger les données sur les appareils personnels

  • 14.29% compréhension des déplacements des données et communications personnelles dans internet et des endroits où sont stockées les données personnelles

Financement

Près de 70 % des répondants ont indiqué que le financement n’est pas disponible facilement pour leurs organisations. Même si plusieurs avenues de financement sont offertes pour l’infrastructure, l’accès numérique et la littératie numérique, de nombreux programmes sont seulement offerts aux organisations caritatives enregistrées ou leurs paramètres de demande sont trop pointus pour certains organismes. Souvent, le financement est limité à une période précise, ce qui peut avoir une incidence sur la continuité de ces programmes. De plus, la concurrence est féroce pour des fonds limités.

Une grande partie du financement est consacrée à l’enseignement du codage, qui est important selon la plupart des répondants, mais qui n’est pas pertinent si la littératie numérique des gens est insuffisante. Comme l’indique un des répondants, ce ne sont pas tous les jeunes qui deviendront des programmeurs, mais tout le monde devra vivre et réussir dans un monde numérique.

Même si Gluu Technology Society, par exemple, a reçu des fonds pour donner des ateliers de cybersécurité aux personnes âgées, ces démarches sont perçues comme étant un peu ennuyantes, dit Linda Fawcus, la fondatrice et présidente-directrice générale. Apprendre à des personnes âgées comment utiliser un moteur de recherche ou à modifier un mot de passer ne semble pas intéressant ou nécessaire, comparativement à l’enseignement du codage aux enfants. Sur le plan technologique, ce n’est pas accrocheur, dit-elle.

Zeina Osman, codirectrice exécutive de Compucorps, est d’accord. Au cours des 10 dernières années, nous avons dû nous rendre à l’évidence que peu de bailleurs de fonds trouvaient la littératie numérique intéressante et importante, dit-elle. C’est satisfaisant de constater qu’ils sont maintenant intéressés par la littératie numérique. Le travail que nous avons accompli est enfin mis en valeur et nous devons maintenant rivaliser avec des organismes qui n’ont pas fait de travail de préparation pour obtenir du financement. Le processus d’évaluation des besoins pour chaque communauté est très long.

L’uniformité du financement est un autre sujet qui est souvent abordé par les répondants. Comme le financement du gouvernement n’est pas régulier, nous devons nous fier à des fondations qui nous soutiennent. Les résultats sont très longs à obtenir. Nous avons dû attendre près de sept ans pour mettre sur pied un programme efficace et continu, et nous ne voulons pas avoir à l’arrêter, dit Mme Osman. Les discussions sur le financement devaient inclure les gens qui travaillent sur le terrain.

Obstacles au financement

Certaines organisations ne connaissent même pas les options de financement qui leur sont offertes. Ce lien était totalement absent, même après que nous ayons demandé de l’aide de la MRC et des institutions fédérales et provinciales. Personne ne nous dirigeait vers les ressources disponibles. Seulement trois personnes tenaient l’organisation à bout de bras. Un manque de connaissances et de temps pour évaluer le financement disponible nous a nui, indique un représentant d’une radio communautaire du Québec qui préférait rester anonyme.

Une autre barrière pour les organismes sans but lucratif et les plus petites organisations : les courts délais liés au financement. Jeff Klause, président-directeur général de Voyageur Internet, a remarqué le manque de financement continu et le peu de possibilités pour d’importants projets comme les programmes Brancher pour innover ou Branchés sur les Canadiens, du gouvernement du Canada. Le Manitoba obtient le montant de financement le moins élevé et est constamment négligé. Même dans la plus récente phase de financement du programme Brancher pour innover, le Manitoba a obtenu moins que la proportion relative à sa population du montant de 500 millions de dollars, et nous avons parmi les besoins les plus criants au Canada. Le gouvernement fédéral affirme que le gouvernement du Manitoba doit fournir une partie du financement, mais comme nous faisons partie des moins bien nantis, cette logique est fallacieuse.

Un processus de demande coûteux

Zeina Osman, codirectrice exécutive de Compucorps, affirme aussi que le processus de demande doit être plus souple. Toutes les organisations ne peuvent pas se permettre un audit des états financiers à 10 000 $ chaque année. Les bailleurs de fonds demandent des exigences déraisonnables des organisations. Je crois le financement de notre structure doit être réévalué pour faire en sorte que de bonnes idées et des projets prometteurs ne soient pas abandonnés et que des organismes de bienfaisance ne soient pas laissés de côté parce qu’ils n’ont pas de comptables à temps plein.

Le processus de demande de subvention est ardu, affirme Clarice Leader d’Innovative LIFE Options Inc., un organisme sans but lucratif qui offre des ressources, des formations et des conseils aux personnes qui reçoivent le financement de In the Company of Friends (un modèle de financement offert par le ministère des Familles du Manitoba aux Manitobains souffrant d’un handicap intellectuel). Toutes les formalités entourant les documents qui doivent être présentés au gouvernement pourraient être effectuées par voir électronique. De plus, le processus change lorsqu’un nouveau gouvernement est élu.

De nombreux répondants ont l’impression que les subventions les plus substantielles versées par les gouvernements provinciaux et fédéral vont aux plus grandes organisations. Les programmes et leurs exigences sont structurés de telle façon que seuls les sociétés de télécommunication et des groupes semblables sont en mesure d’accéder aux fonds, affirme Brian Beaton, ancien coordinateur des programmes de K-Net, un fournisseur de services des TIC qui est la propriété de membres des Premières Nations et qui offre ses services aux communautés rurales et éloignées en Ontario et ailleurs au Canada.

Il ajoute que les innovations et les capacités locales de propriété et de gestion de réseaux numériques doivent être prises en compte. Au-delà du soutien apporté aux entreprises privées.

Rob McMahon, professeur adjoint en communications et en technologie à l’Université de l’Alberta, propose un financement à plusieurs phases.

Un organisme communautaire dont le budget n’est pas élevé devrait avoir plus de temps pour mettre sur pied une proposition, et l’on devrait s’assurer que ces groupes ont les ressources et le temps en lien avec le financement offert. Les grandes sociétés peuvent embaucher des gens ou demander à leur personnel de préparer les demandes. Les organismes ne devraient pas être punis parce qu’ils sont petits.

Rob McMahon, professeur adjoint en communications et en technologie, l’université de l’alberta

Au-delà d u financement traditionnel

Au-delà de l’argent, les répondants indiquent qu’ils pourraient profiter d’autres formes de soutien, comme :

  • Plus de bénévoles et un meilleur soutien de l’industrie.

  • De l’équipement, comme des tablettes, des ordinateurs portatifs et des ordinateurs de bureau.

  • Des services infonuagiques et un accès gratuit ou abordable à un PEI.

  • Des coûts moins élevés pour les liaisons terrestres de la part des fournisseurs en gros.

  • Un soutien professionnel en TI ou une formation technique pour le personnel.

  • Un soutien technique pour le développement Web.

  • Des prêts sans intérêt.

  • L’utilisation d’espaces pour des ateliers.

  • Des Air Miles ou un soutien aux déplacements.

  • L’accès à des ressources pour élargir la portée ou faire la promotion desservices.

  • Réseautage avec des organisations semblables qui ont reçu du financement.

Ce que le canada fait bien

Malgré les écarts présentés dans le présent rapport, l’Internet au Canada présente de nombreux aspects positifs.

Des projets comme SWIFT en Ontario (une initiative sans but lucratif d’Internet à large bande qui finance la construction d’un réseau à fibre optique libre d’accès ultra rapide dans la région du sud-ouest de l’Ontario, de Caledon et de Niagara) ont été soulignés comme un exemple positif.

Les répondants ont souligné de nombreux autres points positifs : Il y a plus de PEI qu’il y a cinq ans, ce qui aide à connecter de nombreux petits et moyens réseaux. D’importantes zones urbaines développent leur infrastructure Internet par l’entremise de ces PEI, comme Montréal (QIX), Vancouver (VanIX), Toronto (TorIX) et Calgary (YYCIX). Partout au pays, la fibre est plus accessible aux petits FAI; d’importantes sociétés de fibre optique s’intéressent au Canada et développent leurs infrastructures.

Broadband Communications North connecte plus de 50 communautés autochtones nordiques, rurales et éloignées au Manitoba. À compter de ce printemps, Distributel Communications et Eeyou Communications Network (ECN) collaboreront pour offrir des forfaits triples d’Internet résidentiel haute vitesse, de téléphone à domicile et de services de télévision aux communautés cries d’Eeyou Istchee et aux municipalités de la région d’Eeyou Istchee de la Baie James au nord du Québec, grâce au nouveau réseau de fibre ECN.

La communauté rurale d’Olds, en Alberta, offre des vitesses Internet ultrarapides grâce à un projet de la fondation sans but lucratif de développement économique de la ville (Olds 31 Institute for Community & Regional Development). La ville de Stratford en Ontario a investi dans une plateforme intégrée de fibre /Internet sans fil qui offre une connectivité Internet partout en ville. La bibliothèque Atwater à Montréal offre une formation informatique dans un laboratoire à cet effet, avec des ateliers tout au long de l’année. Enfin, le Ottawa PC Users’ Group (OPCUG) a organisé plus de 500 ateliers dans des bibliothèques afin d’enseigner aux gens des compétences de base en informatique et en navigation Internet.

Partout au pays, l’accent est mis sur la littératie numérique et les éducateurs intègrent leur enseignement à d’autres occasions d’apprentissage pour élargir leur portée.

Nous combinons nos programmes à d’autres. Si nous voulons organiser un atelier sur la sécurité numérique ou des compétences de base comme l’utilisation de Google Maps, elle est ajoutée à un autre programme qui porte sur les problèmes de santé mentale ou sur le soutien apporté aux nouveaux arrivants, dit Ryan Fukunaga de Free Geek Toronto. L’intégration de programmes rend nos ateliers plus accessibles, car même si peu de gens vont s’inscrire à un atelier de codage, si cette formation fait partie d’un autre programme dans le cadre duquel nous invitons un spécialiste à donner une formation sur une vérification à deux étapes pour les courriels, les gens s’y intéresseront. C’est un petit ajustement à faire qui les aidera à long terme.

Andy Forest de STEAMLabs à Toronto ajoute : Je crois que le Canada accomplit des choses incroyables pour la littératie numérique. Tous les ministères de l’Éducation des provinces ont mis sur pied un programme. Il ne s’agit pas seulement des technologies numériques, mais aussi des capacités d’apprentissage connexes : la créativité, la collaboration, la pensée critique et la communication. Ces habiletés sont très importantes pour l’avenir et elles sont mises en valeur par la littératie numérique. Il s’agit d’un point très positif selon moi.

Les répondants ont aussi mentionné plusieurs éléments de leur liste de souhaits, comme le projet BBC Micro:bit au Royaume-Uni, dans le cadre duquel chaque en de 11 ans recevait un microcontrôleur programmable, ce qui a mené à explosion des programmes de codage dans les écoles — un projet dont la mise en oeuvre coûterait environ 15 millions au Canada.

Parmi les autres éléments de la liste, on compte un programme de point d’accès sans fil semblable à celui offert par la New York Public Library pour les familles à faible revenu et la création d’un atelier de littératie numérique qui pourrait être présenté dans des collectivités partout au Canada, avec un accent mis sur les parents qui ont peu de capacités numériques.

Quand on veut, on peut

L’infrastructure demeure limitée dans de nombreuses collectivités éloignées, rurales et nordiques, et il y a peu d’avantages financiers pour le secteur privé dans le soutien de ces communautés. Rob McMahon, professeur adjoint en communications et en technologie à l’Université de l’Alberta, défait l’argument que les citoyens de ces communautés n’ont pas la capacité de se soutenir eux-mêmes.

Dans les régions où il n’y a pas d’infrastructure, les gens s’organisent eux-mêmes, installent des antennes paraboliques, de la fibre optique, et font tous ce qui est nécessaire. »

Rob McMahon, professeur adjoint en communications et en technologie, l’université de l’alberta

De l’infrastructure aux capacités de littératie numérique, on dit parfois qu’il n’y a pas assez de gens éduqués dans ces communautés pour gérer le réseau. Je ne suis pas d’accord. Je travaille avec de nombreuses organisations et elles ont définitivement les capacités, mais ils doivent franchir plusieurs obstacles pour obtenir du financement.

Il fait remarquer les statistiques sur la connectivité : Lorsque l,infrastructure est installée, l’utilisation de données monte en flèche — les gens utilisent le réseau, ils sont sur Facebook, Instagram, ils utilisent leurs téléphones, dit-il. Je me trouvais très loin au nord du Québec, et les gens se promenaient avec leurs iPhones. Ils n’ont même pas de service téléphonique, mais ils sont branchés au réseau sans fil.

On propose aussi que les communautés soient propriétaires de leur infrastructure physique et qu’elles offrent un accès libre, afin que différentes organisations puissent louer l’infrastructure et faire partie de la concurrence pour l’offre de services. La propriété communautaire du processus et de l’infrastructure est très importante, affirme M. McMahon. Les communautés peuvent établir des partenariats avec différentes compagnies et organisations. Je soutiens le mouvement des réseaux communautaires, car je crois qu’ils permettent au citoyen moyen un meilleur apport, un plus grand contrôle et de meilleurs avantages.

Ce que nous avons appris

Les inégalités croissantes viennent à un moment où l’accès Internet est essentiel pour obtenir des biens et services, y compris les services gouvernementaux. Le fossé numérique se creuse et de nombreux répondants croient que le financement doit être ajusté en conséquence. Bien que le Canada se considère comme un centre de haute technologie et que l’onconstate de nombreuses histoires de réussite, certains Canadiens sont laissés de côté.

Répondre aux besoins des groupes marginalisés ou mal desservis demeure une question capitale, car au fil de l’évolution de la société en ligne, ils doivent pouvoir s’exprimer et participer au monde numérique.

Comme l’indique un des répondants : Sinon, ils n’ont pas de voix.

Nous avons souligné les expériences des organismes communautaires qui travaillent pour bâtir un meilleur Canada en ligne, et par l’entremise du présent rapport, l’ACEI encourage les intervenants canadiens à discuter et à débattre des questions soulevées. Vous trouverez ci-dessous des recommandations provenant du rapport qui, nous l’espérons, agiront comme catalyseur afin d’entamer ces importantes discussions.

  1. Financement de la littératie numérique de base.

    Afin de participer pleinement dans la société numérique canadienne, tous les Canadiens doivent être en mesure d’utiliser l’Internet et de naviguer le Web en sécurité et avec confiance. Cette recommandation est particulièrement importante pour les groupes marginalisés comme les personnes âgées, les personnes à faible revenu, les peuples autochtones (particulièrement dans les régions rurales et éloignées), les nouveaux Canadiens et les personnes handicapées.

  2. Intégration d’une formation de base sur la cybersécurité et la protection des renseignements personnels dans des occasions d’apprentissage préexistantes, particulièrement pour les populations marginalisées.

    Les gens ne sont peut-être pas au courant de l’importance d’une formation de base en cybersécurité ou sont peut-être trop intimidés par le contenu pour participer à un atelier de formation. Toutefois, si une telle formation est intégrée à une autre occasion d’apprentissage, comme un cours lié à la santé mentale, aux finances personnelles ou à la recherche d’emploi, il s’agit d’une excellente façon de donner aux gens des renseignements importants qui peuvent les aider à naviguer l’Internet de façon sécuritaire.

  3. Croissance des points d’échange Internet (PEI) au Canada et de l’appairage.

    Comme les Canadiens ont des craintes par rapport à leurs renseignements confidentiels, il est important d’assurer que les données canadiennes demeurent à l’intérieur de nos frontières. Les PEI canadiens offrent la souveraineté des données par l’entremise de l’échange local des données.

  4. Donner priorité au premier kilomètre de la connectivité et encourager les collectivités à prendre les devants et à innover localement.

    L’investissement local, l’accès libre aux réseaux et le soutien des petits fournisseurs d’accès Internet afin de compléter le premier kilomètre de connectivité Internet ne sont actuellement pas une priorité, mais devraient l’être. Les partenariats entre membres de la communauté, l’installation accrue de fibre et la recherche de moyens innovateurs pour connecter toutes les communautés avec un réseau Internet abordable de qualité doivent être la priorité des organismes qui veulent bâtir un meilleur Canada en ligne.

  5. Élaboration d’un programme national d’abordabilité qui tient compte des tarifs et de la qualité. La qualité offerte devrait être la même pour tous les fournisseurs d’accès Internet.

    Un programme national qui aborde les coûts et la qualité, qui peut être offert par tous les FAI (grands et petits), peut aider les personnes qui n’ont pas d’accès Internet fiable à participer au monde numérique.

  6. Développer des habiletés de pensée critique et des compétences en matière de résolution de problèmes chez les jeunes.

    Certaines personnes n’ont pas d’accès Internet à domicile ni d’appareils connectés à Internet. L’offre d’occasions d’apprentissage aux jeunes en pensée critique et en résolution de problème met la table pour la littératie numérique — des capacités dont ils pourront se servir lorsqu’ils seront en ligne.

  7. Donner les moyens nécessaires aux professeurs.

    Les professeurs passent des heures avec les élèves et leur enseignent plusieurs sujets. Pourtant, plusieurs d’entre eux n’ont pas les capacités ni la confiance d’encourager l’apprentissage numérique de leurs élèves. La situation s’améliore, car de nombreuses commissions scolaires reconnaissent les avantages de l’apprentissage du code. En donnant les moyens nécessaires aux professeurs, ils pourront favoriser l’apprentissage numérique et préparer les élèves à un futur de plus en plus numérique.

  8. Passer en revue les modèles de financement, particulièrement en mettant l’accent sur le soutien apporté aux petits organismes communautaires.

    Les longs processus de demande, les exigences coûteuses et les délais courts ont été mentionnés comme des obstacles au financement par de nombreux organismes. Ces obstacles sont difficiles à franchir pour les petites organisations qui manquent de ressources. Une refonte des modèles et des programmes de financement qui empêchent des organismes de petite taille de participer permettra une meilleure participation et un meilleur financement.

  9. Apporter un soutien non financier aux organismes communautaires.

    Même si le soutien financier est nécessaire, les petits organismes ont aussi besoin de soutien non financier, que les bailleurs de fonds devraient considérer. Des services bénévoles comme un soutien aux TI, de l’équipement ou des espaces pour organiser des ateliers, des services infonuagiques, des prêts sans intérêt et de l’aide pour la promotion de leurs services font partie des suggestions obtenues.

  10. Trouver des façons d’uniformiser les pratiques exemplaires partout au pays.

    Il y a plusieurs points positifs à l’Internet au Canada. Compte tenu de l’immensité du pays, des efforts et des programmes fructueux doivent être mis en place afin de bâtir sur ces points positifs.

À propos de l’ACEI et du présent rapport

L’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI) est une organisation à but non lucratif dirigée par ses membres, connue pour la gestion du domaine .CA au nom de tous les Canadiens, l’élaboration et la mise en oeuvre de politiques qui appuient les internautes canadiens, ainsi que la représentation du registre .CA sur le plan international. L’ACEI aide à bâtir un meilleur Canada en ligne par l’entremise du Programme d’investissement communautaire en finançant des projets innovants développés par des organismes de bienfaisance, des organisations sans but lucratif et des établissements universitaires qui améliorent l’Internet pour les Canadiennes et les Canadiens. Chaque nom de domaine .CA enregistré ou renouvelé contribue à ce programme. Jusqu’à maintenant, l’ACEI a versé 5,4 millions de dollars en subventions.

En janvier et en février 2018, l’ACEI a consulté des organisations de partout au Canada par l’entremise d’une étude, d’entrevues téléphoniques et d’entrevues vidéos pour établir les questions clés, les besoins et les écarts de financement en lien avec l’infrastructure Internet, l’accès numérique et la littératie numérique. Plus particulièrement, l’ACEI a voulu obtenir l’opinion des organismes communautaires et des personnes dont le travail est lié à l’Internet au Canada, y compris les organisations sans but lucratif, les organismes de bienfaisance, les universitaires et les fournisseurs d’accès Internet. Le sondage que l’ACEI a partagé avec les organisations au Canada visait à en apprendre plus sur leurs perspectives, leurs expériences et leurs défis. Des entrevues de suivi ont été réalisées avec certains participants. Les entrevues ont été menées par Vawn Himmelsbach (Canadian Press Enterprises Inc.).

Participants

Au total, 70 organisations ont participé au sondage de l’ACEI. Les organisations suivantes ont accepté de faire partie de la liste des participants. Nous avons placé un astérisque* devant les noms des organisations qui ont reçu une subvention du Programme d’investissement communautaire de l’ACEI ou un autre soutien financier de l’ACEI, ou qui sont affiliées avec l’ACEI ou son conseil d’administration (en date de mars 2018).

  • *Chebucto Community Net

  • CHUO 89.1 FM

  • *CompuCorps Mentoring Inc.

  • *Exchange Global Server Centre (XGSC Inc.)

  • *Free Geek Toronto

  • Gluu Technology Society

  • *Internet Society

  • *Kids Code Jeunesse

  • *K-Net

  • LIFE Options Inc.

  • Maison Radio Memphrémagog for Radio Webphré

  • *National Capital FreeNet

  • *OpenMedia

  • *Option Consommateurs

  • R U On the Net Inc.

  • *STEAMLabs

  • SwiftHighSpeed.com

  • *Telecommunities Canada

  • *Université du Québec à Montréal

  • *Vancouver Community Network

  • Voyageur Internet Inc.

Glossaire

Le premier kilomètre
Le premier kilomètre, aussi appelé le dernier kilomètre, est une expression utilisée dans les industries des télécommunications, de la télévision et de l’Internet désignant les derniers segments du réseau de télécommunication de la distribution des services à l’utilisateur final (le client). Plus précisément, le dernier kilomètre représente la portion du réseau de télécommunication qui atteint physiquement l’utilisateur final. Le rapport utilise l’expression premier kilomètre exclusivement, puisqu’elle est plus équitable et moins axée sur la ville. (Source : Wikipedia.org et Why the First Mile and not the Last by Lynnita Paisley and Don Richardson)
Fausses nouvelles
Les fausses nouvelles sont de la propagande ou des informations délibérément fausses ou truquées émanant de médias institutionnels ou des réseaux sociaux. (Source : Wikipedia.org)
Mackenzie valley fibre link
Le projet Mackenzie Valley Fibre Link a été mis sur pied par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour amener les télécommunications et un accès Internet haute vitesse à différentes communautés de la région de la vallée du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest. (Source : www.mvflproject.com)
Points d’échange internet
Un IXP (point d’échange Internet) est une plaque tournante où les réseaux indépendants ont la possibilité de s’interconnecter directement les uns aux autres, ce qui leur procure un débit élevé et une faible latence à un coût inférieur à celui du transit traditionnel. (Source : www.cira.ca/ixp)
Logiciels malveillants
Les logiciels malveillants comprennent plusieurs formes de logiciels hostiles ou intrusifs. Les logiciels malveillants sont définis par leurs intentions malveillantes et agissent à l’encontre des exigences de l’utilisateur de l’ordinateur et ne comprennent pas les logiciels qui causent un préjudice involontaire en raison d’un défaut. (Source : Wikipedia.org)
Hameçonnage
L’hameçonnage est la tentative d’obtenir des renseignements personnels comme des noms d’utilisateur, des mots de passe et des renseignements de cartes de crédit en se faisant passer pour un tiers de confiance dans une communication électronique. (Source : Wikipedia.org)
Brancher pour innover
Un programme du gouvernement du Canada qui investira 500 millions de dollars d’ici 2021 pour fournir des services Internet haute vitesse à 300 collectivités rurales et éloignées du Canada. (Source : www.canada.ca)
Chargement…